Les femmes s'unissent

Au début du xxe siècle, les femmes évoluent en marge du monde politique. Elles ont peu accès au monde du travail, aux métiers et aux professions libérales. Elles s'activent plutôt dans les maisons d'enseignement, les hôpitaux, les orphelinats quand elles ne joignent pas les rangs des communautés religieuses. Elles œuvrent à l’entraide communautaire et s'associent à diverses causes. Ottawa verra naître les plus importantes associations féminines du Canada français. Leur présence témoigne d'une solidarité féminine bien ancrée dans l'histoire, anticipant même certaines revendications des mouvements féministes contemporains.

La Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises (FFCF) sera le premier regroupement non religieux de femmes de langue française à voir le jour à l'extérieur du Québec. Fondée en 1914 par Almanda Walker-Marchand pour soutenir l'effort de guerre, la FFCF, qui se nomme alors l'Association des dames canadiennes-françaises, réorientera progressivement sa mission vers la défense des intérêts des femmes francophones dans les dossiers sociaux, économiques et politiques. À partir des années 1960, elle sensibilise les femmes francophones en milieu minoritaire quant à leur situation et à leurs besoins. Elle lutte pour l'obtention de programmes de formation des adultes en français. La Fédération s’investit aussi dans plusieurs dossiers politiques, dont celui du célèbre mouvement « C’est l’temps ».

Alors que la FFCF s'efforce de valoriser une sensibilisation accrue des femmes à la chose publique, d'autres associations s'attachent plutôt à la défense d'une conception plus traditionnelle de leur rôle dans la société. C'est le cas notamment du cercle des Jeanne Le Ber, fondé à Ottawa en 1943, dans le but de favoriser l'artisanat familial, mais surtout de rendre ses membres capables « de présider avec habileté et intelligence à la vie d'un foyer » et de remplir ses « devoirs envers la vie familiale1 ». L'action de cette association s'inscrit dans un mouvement plus large de retour des femmes au foyer et de revalorisation du travail domestique après la Seconde Guerre mondiale, qui avait amené plusieurs femmes canadiennes à investir le secteur de l'emploi et à sortir, momentanément, de leurs attributions traditionnelles.

Pendant ce temps, une association telle la Société d'étude et de conférences, qui ouvre une section dans la région d'Ottawa-Hull en 1946, fera la promotion de l'éducation permanente des femmes. Très active, elle organisera au fil des années des concours littéraires, des expositions, des voyages, des conférences et octroiera des bourses d'études aux femmes désirant poursuivre leurs études au baccalauréat. À une époque où l'accès aux études supérieures est encore parsemé d'embûches pour les femmes, ces initiatives étaient pour le moins avant-gardistes. Soulignons aussi que d'éminentes femmes francophones de la région d'Ottawa-Hull occuperont la présidence générale de la Société à Montréal: Georgette Lamoureux (1974-1976), Marie-Paul Stewart (1983-1985) et Régine Wyczynski (1993-1995).

Au cours des années 1980, cet espace associatif féminin s'élargira progressivement. S’implantera alors tout un réseau de groupes et de services pour les femmes francophones de l’Ontario, dont Ottawa sera l’épicentre. Le Centre d'accès pour femmes de l'Est ontarien est mis sur pied en 1982, dans le but de favoriser l'accès à l'emploi et l'intégration des femmes sur le marché du travail. Le Réseau national d'action éducation femmes est créé, quant à lui, en 1983 pour répondre aux besoins des femmes francophones en matière d'éducation et de formation à l'échelle nationale.

 

 

1 Bulletin publié par l'Association des "Jeanne Le Ber", vol. 1, no. 3, juin 1946 », Université d'Ottawa, CRCCF, C49/1/1.

i

Membres de l'exécutif national de la Fédération des femmes canadiennes-françaises (FFCF), en compagnie de l'aumônier René Martin, Almanda Walker-Marchand, présidente-fondatrice, Wilhelmine Desrosiers. Debout : Rose Laplante, Mme Hector Saint-Jacques, Agnès Gauthier, Ottawa, 1945. Photo : Lucien Racine.

Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises (C53), Ph52-1.

Photographie en noir et blanc d’un groupe de femmes, d’âges divers, accompagnées d’un religieux. Toutes les femmes portent des chapeaux et des robes. Une seule n’a pas d’étole de fourrure. Deux femmes sont assises, dont l’une tient une gerbe de fleurs. Le religieux est assis à leur droite. Les trois autres femmes sont debout derrière eux.