Capsule

De la dissidence à la branche d’olivier

Le gouvernement de l’Ontario se montre intraitable. Le Règlement XVII est là pour rester. L’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFÉO) décide de porter la cause de l’école de langue française devant la Cour suprême de l’Ontario. Elle se tourne alors vers son président-fondateur, brillant orateur par surcroît, le sénateur Napoléon-Antoine Belcourt, pour la représenter.

Dans son jugement final rendu en novembre 1914, la Cour ne se rend pas aux arguments du réputé avocat d’Ottawa. Elle statue, au contraire, que la langue officielle de l’Ontario, ainsi que celle de l’Empire, est l’anglais;  aucune autre langue, fût-elle tolérée, ne dispose de droits en vertu de la Constitution du Canada. Le juge qui reçoit la cause en appel en 1915 sera du même avis. Deux ans plus tard, le sénateur Belcourt n’a guère plus de succès devant le Conseil privé de Londres, vers lequel l’ACFÉO décide de se tourner en dernier recours.

Entretemps, la voie parlementaire ne donne pas de meilleurs résultats. Le gouvernement de l’Ontario reste sur ses positions. L’appui indéfectible de toute la classe politique du Québec n’y peut rien. Quant au gouvernement fédéral, il refuse toujours de s’ingérer dans ce litige.

Mais c’est probablement la condamnation du pape Benoît  XV lui-même qui donna le plus dur coup aux défenseurs de l’école française en Ontario. Contraint d’intervenir pour tenter de refaire l’unité de l’Église canadienne divisée par le conflit, le souverain pontife blâme toute dissidence catholique au nom de la langue et enjoint les coreligionnaires francophones et anglophones de l’Ontario à travailler ensemble à la préservation de l’école catholique, même si l’enseignement devait s’y faire en anglais. La position du pape sème le désarroi parmi les catholiques francophones d’Ottawa. L’ACFÉO, l’épiscopat canadien-français et la classe politique du Québec reviendront à la charge à plusieurs reprises pour obtenir que Rome leur accorde son appui, mais toujours en vain.

Réélu président de l’ACFÉO en 1921, le sénateur Belcourt développe alors une tout autre stratégie. Il profite d’une brèche qui s’ouvre dans l’opposition de l’élite anglophone de la province à l’école française. Il crée la Unity League, formée de nombreux députés, de journalistes et d’universitaires anglophones d’influence. Son but : rallier l’opinion publique anglophone à la cause franco-ontarienne. Il aura visiblement réussi : le gouvernement de l’Ontario reviendra au moins partiellement sur sa décision en 1927, quoique de nombreux autres facteurs liés à la conjoncture, tant ontarienne que canadienne, soient aussi intervenus dans la solution de la crise.