La résistance au Règlement XVII

En 1912, le gouvernement de l’Ontario adopte une mesure qui déclenche une crise sans précédent à l’échelle de la province. Le Règlement XVII limite l’enseignement en français et son usage comme langue de communication aux deux premières années du primaire dans les écoles de la province. Dès la promulgation du Règlement, les francophones s’organisent et livrent une lutte sans merci pour conserver leurs droits scolaires. Ottawa en est le cœur névralgique.

La crise se préparait depuis plusieurs années. Déjà en 1890, le gouvernement de l’Ontario tentait d’imposer un règlement exigeant que toutes les matières au programme soient enseignées en anglais. Facile à contourner par les inspecteurs responsables de l’appliquer localement, il avait eu comme effet de pousser plusieurs écoles françaises vers le régime séparé, ce qui avait attisé la rancœur des Anglo-protestants, qui réclamaient depuis une intervention plus musclée.

Suite à la promulgation du Règlement XVII, la résistance s’organise dans tout l’Ontario français. Ottawa sera toutefois le lieu d’affrontements particulièrement mémorables. À peine informée de la réglementation qui venait d’être adoptée, la Commission des écoles séparées d’Ottawa (CESO), majoritairement canadienne-française, prend la décision d’y désobéir ouvertement, donnant ainsi le ton à la résistance franco-ontarienne au Règlement. Son président, Samuel Genest, n’y déroge pas même si le gouvernement de l’Ontario lui coupe les vivres. Une injonction obtenue par les commissaires irlando-catholiques de la CESO lui interdisant d’emprunter sur les marchés financiers pour compenser ses pertes de revenus ne vaincra pas davantage sa résistance.

En septembre 1914, la Commission préfère suspendre l’enseignement plutôt que de se soumettre au Règlement XVII. Samuel Genest demandera toutefois aux enseignants de reprendre leurs classes, malgré le risque qu’ils ne reçoivent pas de salaire. Le gouvernement de l’Ontario réagit en décidant de dissoudre la Commission dissidente. Il la remplace par un comité de trois membres non élus que les Canadiens français surnommeront avec dérision la « Petite commission ». L’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario en conteste aussitôt la légitimité devant les tribunaux. 

Entretemps, en septembre 1915, la Petite commission décide de renvoyer les institutrices Béatrice et Diane Desloges de l’école Guigues, pour avoir bravé l’interdiction du français dans leurs classes. L’école sera désertée et les sœurs Desloges enseigneront clandestinement dans divers locaux, depuis des magasins vacants appartenant à Alfred Charbonneau au coin des rues Dalhousie et Guigues jusque dans la chapelle Notre-Dame du Sacré-Cœur, rue Murray.  Elles se réinstalleront dans leur école en janvier, sous la protection d’un groupe de mères de famille, qui, selon une légende persistante, auraient été armées de ciseaux et d’épingles à chapeau. Non seulement parviendront-elles à reprendre la direction de l’école, mais elles obtiendront aussi la démission du président de la Petite commission, Arthur Charbonneau.  Quelques semaines plus tard, 3000 enfants marchent sur la Colline du Parlement pour signifier leur appui à leurs écoles. Puis, début février, les dix-sept écoles de la CESO ferment leurs portes. Les 4300 élèves francophones de la CESO font alors la grève et paradent régulièrement en brandissant des pancartes dans les rues de la ville. Jusqu’à sa révocation en 1927, la CESO continuera de s’opposer au Règlement XVII.

 

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Piquet de grève des élèves devant l'école Brébeuf contre l'imposition du Règlement XVII, qui interdisait le français comme langue d'usage dans l'enseignement en Ontario et limitait l'enseignement du français comme matière, Ottawa, février 1916. Photo : Le Droit.

Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Association canadienne-française de l'Ontario (C2), Ph2-142a.

Photographie en noir et blanc d’une colonne d’une cinquantaine de jeunes, habillés pour l’hiver. Ils brandissent des pancartes et des banderoles qui contiennent des messages, tels « Pay our Teachers » et « British Fair Play ». À l’arrière-plan,  un édifice de brique de trois étages et trois maisons.