Capsule

Une expérience de courte durée

Le 5 décembre 1988, la création du Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton est fêtée en grande pompe à l’hôtel de ville de Vanier. Quelque 600 personnes participent à cet événement historique : militants de la première heure, politiciens, universitaires, directeurs d’écoles, parents, enseignants, élèves, journalistes, membres du clergé… tous sont venus célébrer le couronnement de vingt-cinq ans d’attente.

Toutefois, si l’euphorie est au rendez-vous, les appréhensions le sont aussi. C’est que les liens entre le système catholique et le système public sont quasiment rompus depuis plusieurs années dans la région d’Ottawa-Carleton en raison de la compétition féroce qu’ils se livrent pour rallier la clientèle francophone. « La collaboration et le respect mutuel, jugés essentiels à son succès par tous ceux qui ont préparé des modèles de mise en œuvre, font défaut1. »

Le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton est composé de deux sections : l’une séparée (catholique), l’autre publique (non confessionnelle), chapeautées par un Conseil plénier composé des membres des deux sections. L’expérience sera de courte durée. Le Conseil de langue française d’Ottawa-Carleton rend l’âme à peine cinq ans plus tard.

Les sources de discorde sont nombreuses. On ne s’entend pas sur le rôle respectif des deux sections et du Conseil plénier, que l’on dit coûteux et redondant. Les avis divergent sur ce qui peut être mis en commun et sur ce qui doit être exclusif. La représentation inégale des deux sections au Conseil ajoute à la frustration des élus de la section publique, qui n’acceptent pas d’être en minorité au Conseil plénier et se disent à la merci du vote des élus catholiques. Ils militent activement pour l’autonomie de leurs écoles, quitte à se rapprocher des conseils publics anglophones.  Plusieurs francophones se sentent trahis. Un financement insuffisant, qui fait en sorte que la section publique s’enlise de plus en plus dans des déficits, constitue un autre problème.

On se rend bientôt à l’évidence : il n’est pas possible à l’école publique et à l’école catholique de cohabiter au sein d’une même structure. Le 1er juillet 1994,  le Conseil plénier sera dissous et deux conseils scolaires francophones distincts seront créés par décret : le Conseil des écoles catholiques de langue française d’Ottawa-Carleton et le Conseil des écoles publiques d’Ottawa-Carleton.

L’expérience d’Ottawa-Carleton ne sera reprise dans aucune autre région.  Un nouveau système scolaire de langue française pour l’ensemble de l’Ontario, composé de quatre conseils régionaux publics et de huit conseils séparés catholiques, est en place depuis le 1er janvier 1988.

 

 

1 Odile Gérin, D’un obstacle à l’autre : vers le Conseil scolaire de langue française, Vanier, L’Interligne, 1988, p. 136.