L’Ordre de Jacques Cartier (OJC) est fondé à Eastview (Vanier) le 22 octobre 1926 par 17 francophones de la capitale, réunis à l’initiative du curé de la paroisse Saint-Charles, Mgr F.-X. Barrette. Leur motivation première est de développer des mécanismes d’entraide entre les fonctionnaires fédéraux francophones pour faciliter leur accession aux échelons plus élevés de la fonction publique. Leur but plus large : former un rempart solide contre l’assimilation des francophones.
L’Ordre de Jacques Cartier agit dans l’ombre, comme l’ennemi qu’il cherche à combattre : l’Ordre d’Orange, la franc-maçonnerie ou encore le clergé catholique irlandais. Il veut aussi rester à l’abri des yeux inquisiteurs des Canadiens français dont le nationalisme serait moins vigoureux que celui qui animait ses propres membres.
L’Ordre de Jacques Cartier, bien qu’il soit secret, a une existence légale. Sa structure est constituée, au sommet, de la chancellerie (CX), l’autorité suprême de l’Ordre et, à la base, de la commanderie (XC), souvent désignée comme le corps recruteur ou la cellule fondamentale. La chancellerie compte 33 personnes, choisies par cooptation et qui restent inconnues des simples membres. C’est elle qui établit les priorités depuis Ottawa où elle a ses quartiers généraux, précise la nature des actions qui seront menées et les tactiques que devront utiliser les membres. Les commanderies regroupent de 20 à 40 membres, recrutés pour leur potentiel d’influence – ils sont fonctionnaires, directeurs de caisses populaires, propriétaires de magasins, commis voyageurs, voire journalistes, comme André Laurendeau dont on dit qu’il a été une importante courroie de transmission. On les investit de la mission de noyauter les organismes-clés de leur milieu, pour y faire passer le message. Or, ne devient pas membre de l’OJC qui veut. Il faut être sollicité par un membre en règle et accepté par les responsables d’une commanderie pour entrer dans l’Ordre. Ces derniers retiennent seulement les candidats qu’ils jugent animés d’un patriotisme sincère, à qui ils croient pouvoir inculquer l’esprit de l’Ordre : une foi inébranlable dans les objectifs de l’organisation, de la discipline dans l’obéissance aux mots d’ordre et de la discrétion. Visiblement, ils sont nombreux : à quelques mois de sa dissolution en octobre 1964, « La Patente » comptait encore 5075 membres, répartis en 466 cellules.
« La Patente », un terme volontairement évasif pour parler de l’Ordre en public, augmente rapidement son influence en Ontario, puis au Québec, en Acadie et dans l’Ouest. Elle y propage partout le même message quant à l’égalité des nations canadienne-anglaise et canadienne-française et à la nécessité qu’elles jouissent d’un statut égal. L’Ordre sera un ardent défenseur des droits scolaires des minorités francophones.
Neuf fondateurs de l'Ordre de Jacques Cartier, lors d'une réunion plénière de la CX (Chancellerie) au Château Laurier soulignant le vingt-cinquième anniversaire de l'Ordre. À l'avant, Adélard Chartrand, Émile Lavoie, F.-X. Barrette, Esdras Terrien et Louis-Joseph Châtelain; à l'arrière, Oscar Barrette, Philippe Dubois, Achille Pelletier et Charles Gautier, Ottawa, 28 septembre 1952. Photo : Champlain Marcil.
Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Ordre de Jacques Cartier (C3), Ph3-12b.